Depuis que René Mathieu a quitté « La Distillerie » du château de Bourglinster début janvier pour inaugurer une nouvelle ère au « FIELDS » du Findel – et récupéré en avril à la fois son étoile Michelin rouge et son étoile verte –, l’ancien restaurant gastronomique reste vide. Vide ? Pas tout à fait. Car les cuisines du château restent actives – pour la Brasserie Côté Cour. Ici aussi, le menu porte directement la signature du chef d’exception – une expérience plus accessible de la patte Mathieu, mais en rien moins précise.
Dans le but de vérifier cette promesse, je me suis rendu jeudi 22 mai au château de Bourglinster – un trajet on ne peut plus court pour moi qui habite le village. Quelques minutes à pied seulement, en remontant l’ancien chemin pavé, accompagné par la douceur printanière du temps. Ceux qui viennent en voiture apprécieront le confort du stationnement : directement devant le château et sur un parking spacieux à proximité, on trouve toujours des places libres.
Après un bref arrêt obligatoire sur le pont du château – quelques photos Instagram pour ma compagne –, nous entrons dans la brasserie, clairement signalée par une enseigne métallique artisanale.
À l’intérieur, nous accueille un service aimable, professionnel et discret. La terrasse – par beau temps un vrai atout, petite, surélevée et avec vue sur les remparts du château – reste malheureusement fermée aujourd’hui faute de soleil. La salle elle-même est rustique, avec un éclairage chaleureux et un mobilier sobre – un cadre harmonieux qui ne doit pas détourner l’attention de l’essentiel : le menu.
Deux voies – une philosophie
Avant même de passer commande, nous parviennent les premiers saluts de la cuisine : crackers au charbon de bois avec une émulsion de noix fermentées – une entrée en matière bien composée. L’arôme légèrement amer et grillé des crackers est merveilleusement rattrapé par la profondeur noisetée et umami de la crème. La signature de René Mathieu est immédiatement reconnaissable : des arômes complexes qui se passent complètement d’effets de manche. Puis un petit intermezzo : velouté de pommes de terre à l’aquafaba et graines de chanvre grillées – doux, noisette, texture parfaitement choisie.


Deux menus au choix : la variante purement végétale ou le menu « Flora & Fauna », ponctuellement enrichi de composants d’origine animale – dans notre cas, œuf et poisson. Nous optons pour ce dernier – non par manque d’estime pour la cuisine végétale, mais dans l’optique d’une exploration sensorielle la plus large possible.
L’accord mets-vins nous est chaudement recommandé par le service formé à la sommellerie – à juste titre. Le Ventoux « Passe Colline » 2024, un blanc limpide à la fraîcheur minérale, accompagne également le plat suivant : une petite quiche d’ortie et chlorophylle à l’huile de forsythia. Finement travaillée visuellement, retenue au niveau aromatique, mais avec un focus net sur les notes végétales et une légère acidité.

Puis arrive le premier plat principal – et d’emblée le clou de la soirée : asperges rôties au four avec huile noire, champignons sautés, œuf parfait, jus de légumes et crème d’asperges intensément aromatique. Là, la philosophie de René Mathieu s’exprime pleinement : le légume n’est pas accompagnement, mais acteur principal. Dans un accord précis se déploient profondeur, fraîcheur, onctuosité et légère douceur. Rien ne paraît surchargé – chaque composant a sa fonction dans l’ensemble.
Suit le cabillaud de mer du Nord aux noisettes grillées et jus de légumes concentré. Étonnamment présent, mais jamais envahissant : le fenouil, qui ici – loin des idées reçues – peut montrer toute sa palette. Frais, anisé, croquant. Avec un riesling luxembourgeois : froid, cristallin, contrepoint vivant à la richesse du plat.


Le dessert ? Deux, en fait.
Le premier : glace à l’aspérule dans une sphère de chocolat qui fond sous un nappage de chocolat chaud – moment spectaculaire, mais en rien surchargé. Le second : glace à la violette sur compotée de fraises avec croûte de sucre cristallisé – floral, fruité, ludique, mais toujours maîtrisé.

Pour finir, un assortiment de petites douceurs – bonbons aux herbes, fleurs séchées, petits gâteaux – en hommage aux forêts, prairies et jardins qui marquent tant Mathieu.


Conclusion
Pour 75 € (ou 65 € pour le menu végétal), la Brasserie Côté Cour propose un menu gastronomiquement exigeant, clairement marqué par le style de René Mathieu : précision aromatique, usage intelligent d’ingrédients de saison et régionaux, sans verser dans le théâtral. Ceux que le niveau de prix du « FIELDS » rebutait jusqu’ici ou qui cherchent une approche accessible de la cuisine de Mathieu trouveront ici une excellente occasion. Et pour les connaisseurs de sa signature, la brasserie constitue une alternative agréablement détendue – surtout quand la terrasse est ouverte.
Brasserie Côté Cour
Château de Bourglinster
Ouvert : mercredi à dimanche, midi et soir
Menus : 65 € (Plantes) / 75 € (Flora & Fauna)
Instagram : @brasseriecotecour