{"id":138321,"date":"2025-03-30T07:50:05","date_gmt":"2025-03-30T05:50:05","guid":{"rendered":"https:\/\/vanguards.eu\/archives\/138321"},"modified":"2025-03-31T10:34:27","modified_gmt":"2025-03-31T08:34:27","slug":"als-wir-hippies-waren","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/vanguards.eu\/shop\/fr\/2025\/03\/30\/als-wir-hippies-waren\/","title":{"rendered":"Dans les pas des hippies"},"content":{"rendered":"\n
\u00abHere comes the sun\u00bb des Beatles r\u00e9sonne dans les haut-parleurs. Ce petit coup de pouce tombe \u00e0 point: le brouillard matinal commence \u00e0 s’\u00e9claircir au-dessus de San Francisco. Entre les harmonies, Allan Graves distille des informations sur sa ville. Ce guide touristique n\u00e9 au Costa Rica des amours d’un Canadien et d’une Nicaraguayenne, a pass\u00e9 presque toute sa vie dans cette cit\u00e9 qu’il aime tout autant que la musique de l’\u00e9poque hippie. Les vieux combis VW sont une autre de ses passions. Son Bulli flanqu\u00e9 des portraits de Janis Joplin et Carlos Santana et d’une photo du Golden Gate Bridge grimpe la c\u00f4te abrupte de Russian Hill \u00e0 faible allure. \u00c0 travers les rues lat\u00e9rales, on aper\u00e7oit la baie et m\u00eame l’\u00eele d’Alcatraz qui se d\u00e9tache dans la brume.<\/p>\n\n\n\n
Une fois le sommet atteint, l’antique v\u00e9hicule profite de la gravit\u00e9. Avec entrain, il d\u00e9vale la pente sinueuse de Lombard Street pendant qu’Otis Redding chante \u00abSittin’ on the Dock of the Bay\u00bb. Dehors, les passants nous saluent et attrapent leurs smartphones pour photographier notre minibus. Les participants du \u00abLove Tour\u00bb ne viennent pas seulement admirer des attractions touristiques: le \u00abSunshine\u00bb en est une \u00e0 lui seul. Au volant, Allan pr\u00e9sente le lyc\u00e9e fr\u00e9quent\u00e9 par Joe DiMaggio, l\u00e9gende du base-ball et mari de Marilyn Monroe, les tramways qui ont \u00e9chapp\u00e9 au feu et \u00e0 la destruction lors du grand tremblement de terre de 1906, ou encore le site consid\u00e9r\u00e9 comme le meilleur endroit des \u00c9tats-Unis pour faire des rencontres: une pelouse le long de Marina Road envahie de tapis de yoga pendant l’\u00e9t\u00e9. Rien d’\u00e9tonnant \u00e0 ce que ce quartier soit l’un des plus chers de cette ville hors de prix.\u00a0C’est au tour de Scott McKenzie de donner de la voix. \u00abIf you’re going to San Francisco, be sure to wear some flowers in your hair\u00bb, chantonne-t-il.\u00a0Comme si tout \u00e9tait aussi simple!<\/p>\n\n\n\n Allan Graves n’est pas seulement guide: il dirige aussi les \u00abLove Tours\u00bb. Il a \u00e9tudi\u00e9 les relations internationales et travaill\u00e9 dans la finance et la technologie. \u00abComme tout le monde \u00e0 San Francisco\u00bb, confie le quadrag\u00e9naire en riant. Alors qu’il s’ennuyait, sa vie a pris une tout autre tournure. \u00abMa fille est partie \u00e0 l’universit\u00e9, mon chien est mort et ma copine m’a quitt\u00e9. J’ai alors envisag\u00e9 de revenir \u00e0 mes premi\u00e8res amours.\u00bb Pour lui, il s’agissait des v\u00e9hicules anciens. Allan a commenc\u00e9 \u00e0 rep\u00e9rer des minibus VW des ann\u00e9es 1970 et a r\u00e9fl\u00e9chi \u00e0 ce qu’il pouvait en faire. Il a fait des recherches sur les circuits touristiques en Bulli \u00e0 San Francisco, en Californie, puis dans le monde entier. Et n’en a trouv\u00e9 aucun. Avec son fr\u00e8re, il a commenc\u00e9 par acqu\u00e9rir le combi \u00abLove\u00bb avec bo\u00eete automatique datant de 1982, suivi d’un deuxi\u00e8me achet\u00e9 aux ench\u00e8res, le \u00abSunshine\u00bb sorti en 1976. Ils ont install\u00e9 des toits panoramiques et demand\u00e9 \u00e0 l’artiste Madison Tomsic de d\u00e9corer les minibus de motifs iconiques. Allan a ensuite suivi une formation de guide. En 2014, toujours avec son fr\u00e8re, il a lanc\u00e9 les \u00abLove Tours\u00bb. Un an plus tard, leurs excursions hippies en bus \u00e9taient d\u00e9j\u00e0 devenues un job \u00e0 plein temps. Rapidement, l’entreprise a acquis six autres combis am\u00e9nag\u00e9s et emploie d\u00e9sormais vingt personnes.<\/p>\n\n\n\n Des tours en VTT \u00e9lectrique<\/strong><\/p>\n\n\n\n Les touristes qui pr\u00e9f\u00e8rent filer cheveux au vent seront combl\u00e9s avec Nick Hormuth. Ce guide \u00e2g\u00e9 de 37 ans propose des visites de la ville en VTT \u00e9lectrique afin d’affronter sans effort ses collines abruptes. Son petit Bike Shop \u00e9quip\u00e9 d’une platine et d\u00e9cor\u00e9 de sombreros est la pi\u00e8ce ma\u00eetresse de l’entreprise fond\u00e9e huit ans plus t\u00f4t. Nick accompagne pratiquement toutes les visites pour montrer aux participants tout ce que les locaux appr\u00e9cient, de \u00abLa Palma Tortilla Factory\u00bb dans le quartier de Mission orn\u00e9 de fresques murales en passant par Bernal Hill et sa vue imprenable sur Frisco.<\/p>\n\n\n\n Sur Union Square, Allan Graves d\u00e9signe une boutique Louis Vuitton ferm\u00e9e depuis peu et se plaint de Chesa Boudin, le procureur g\u00e9n\u00e9ral destitu\u00e9 en juillet dernier. Ce dipl\u00f4m\u00e9 de Yale et d’Oxford n\u00e9 en 1980 a aboli la d\u00e9tention pr\u00e9ventive d\u00e8s lors que les personnes incrimin\u00e9es ne pr\u00e9sentent pas de danger pour la communaut\u00e9, car il ne croit pas en l’incarc\u00e9ration. Ses parents \u00e9taient membres de l’organisation radicale Weather Underground. En 1981, apr\u00e8s avoir particip\u00e9 \u00e0 New-York \u00e0 un braquage au cours duquel deux policiers et un vigile ont \u00e9t\u00e9 tu\u00e9s, ils ont \u00e9t\u00e9 condamn\u00e9s \u00e0 plusieurs d\u00e9cennies de prison. Chesa Boudin, petit-fils de l’avocat Leonard Boudin qui a notamment d\u00e9fendu le gouvernement r\u00e9volutionnaire cubain, s’est pr\u00e9sent\u00e9 aux \u00e9lections de 2019 dans le but affich\u00e9 de mettre fin aux d\u00e9tentions de masse et de s’attaquer \u00e0 la racine de la criminalit\u00e9 que sont la toxicomanie, les troubles psychiatriques et les probl\u00e8mes sociaux. Au d\u00e9but de la pand\u00e9mie, il a lib\u00e9r\u00e9 pr\u00e8s de la moiti\u00e9 des d\u00e9tenus de la ville. D\u00e8s lors, le reste de ce pays amoureux de la loi et de l’ordre a commenc\u00e9 \u00e0 consid\u00e9rer avec effroi ces \u00abfous de l’Ouest\u00bb. Les habitants de la ville ont eux-m\u00eames fini par trouver que les choses \u00e9taient all\u00e9es trop loin et ont vot\u00e9 \u00e0 55 % contre Boudin \u00e0 l’\u00e9t\u00e9 2022.<\/p>\n\n\n\n Contrastes sociaux<\/strong><\/p>\n\n\n\n La Californie accueille la majorit\u00e9 des milliardaires vivant aux \u00c9tats-Unis. La plupart des super-riches californiens vivent \u00e0 San Francisco, la patrie de Facebook, Twitter, Uber et autres entreprises technologiques florissantes. Le magazine Forbes a recens\u00e9 39 milliardaires parmi les 880.000 habitants. D’autres en ont m\u00eame d\u00e9nombr\u00e9 41, voire 77. Seule New-York, pourtant dix fois plus peupl\u00e9e, en compte plus.<\/p>\n\n\n\n Les habitants de San Francisco d\u00e9pensent, chaque ann\u00e9e, cinq millions de dollars pour les sans-abris qui y sont particuli\u00e8rement nombreux. Les sans domicile fixe permanents seraient plus de 8.000, un autre record moins reluisant. La sono diffuse \u00abAll you need is love\u00bb tandis qu’Allan bifurque sur Tenderloin. \u00abIci, il n’y a rien de particulier \u00e0 voir\u00bb, pr\u00e9vient-il. Malgr\u00e9 quelques galeries et fresques murales r\u00e9alis\u00e9es par des artistes renomm\u00e9s, le quartier a plut\u00f4t tendance \u00e0 \u00e9chapper \u00e0 la gentrification. De nombreux SDF se sont install\u00e9s dans quelques rues qui entourent cette art\u00e8re routi\u00e8re. Selon Allan, les trois-quarts sont d’anciens enfants plac\u00e9s en familles d’accueil. \u00c0 leur majorit\u00e9, quand ils ne rapportent plus d’argent \u00e0 ces derni\u00e8res, ils se retrouvent \u00e0 la rue. Toutefois, les lacunes du syst\u00e8me social au Pays de la Libert\u00e9 ne sont pas les seules responsables. La vie est ch\u00e8re \u00e0 San Francisco: m\u00eame pour un petit appartement, le loyer s’\u00e9l\u00e8ve facilement \u00e0 trois mille dollars. Pour cette raison, les chauffeurs Uber (qui sont plus de 50.000 \u00e0 embouteiller les rues) doivent multiplier les courses. Les SDF b\u00e9n\u00e9ficient de deux repas par jour et, s’ils le souhaitent, d’un h\u00e9bergement pour la nuit. Mais cela ne suffit pas \u00e0 am\u00e9liorer leur condition. Ils sont \u00ablike a rolling stone\u00bb, soupire Allan en r\u00e9f\u00e9rence \u00e0 la chanson de Bob Dylan.<\/p>\n\n\n\n Sur le Love Tour, le chemin qui m\u00e8ne au Golden Bridge est \u00e9galement ponctu\u00e9 de romances. En 1940, Frida Kahlo et Diego Rivera se sont mari\u00e9s pour la deuxi\u00e8me fois \u00e0 la mairie, la deuxi\u00e8me plus vaste du pays avec sa coupole qui d\u00e9passe de 35 cm celle du Capitole de Washington. C’est l\u00e0 aussi que Marilyn Monroe et Joe DiMaggio se sont unis en 1954 pour quelques mois. \u00c0 l’origine, ils voulaient organiser la c\u00e9r\u00e9monie \u00e0 l’\u00e9glise Saint-Pierre-et-Paul de Washington Square, explique Allan. Mais le pr\u00eatre leur a dit qu’ils \u00e9taient d\u00e9j\u00e0 mari\u00e9s et qu’ils feraient mieux de retourner avec leurs conjoints respectifs. Alors que nous traversons le quartier verdoyant du Presidio, une ancienne base militaire reconvertie Texte : Stefanie Bisping<\/em><\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":" San Francisco est la ville d’adoption de nombreux super-riches, car la vie y est douce, mais ch\u00e8re. Dans l’ancienne m\u00e9tropole hippie, la nostalgie de cette p\u00e9riode de paix, d’amour et de Flower Power est forte. 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en parc abritant des maisons ainsi qu’un mus\u00e9e consacr\u00e9 \u00e0 Walt Disney et Star Wars, le soleil perce \u00e0 travers le brouillard. Derri\u00e8re les piliers et tourelles orang\u00e9s de ce pont inaugur\u00e9 en 1937, on peut m\u00eame apercevoir des p\u00e9licans et, \u00e0 proximit\u00e9 des rives, des phoques haletants. Le circuit se termine au son d’\u00abHotel California\u00bb dans le quartier d’Haight-Ashbury, la Mecque de la culture hippie des ann\u00e9es 1960. \u00c9pargn\u00e9 par les incendies apr\u00e8s le grand tremblement de terre, il abrite encore des maisons du XIXe<\/sup> si\u00e8cle. Avec leurs boutiques et caf\u00e9s joliment r\u00e9nov\u00e9s en rez-de-chauss\u00e9e, elles laissent entrevoir que beaucoup d’eau a coul\u00e9 dans la baie de San Francisco depuis le Sommer of Love. Jimi Hendrix habitait autrefois dans Haight Street. Juste en face, Janis Joplin avait \u00e9lu domicile dans une maison rose sur Ashbury Street au 365. Le fondateur des Hell’s Angels et Jerry Garcia, leader du groupe Grateful Dead, \u00e9taient leurs proches voisins. L’actuelle propri\u00e9taire a fait installer une cl\u00f4ture pour maintenir les p\u00e8lerins et les hippies \u00e0 distance. Le panneau accroch\u00e9 \u00e0 une maison sur Haight Street est encore plus clair: \u00abHippies use back door\u00bb, peut-on y lire. \u00abHippies, passez par la porte de derri\u00e8re\u00bb. Aujourd’hui, Haight-Ashbury appartient aux hipsters.<\/p>\n\n\n\n